Bilan part.2: WHAT A YEAR TO BE ALIVE

Reprise de mon bilan de l’année 2015 rap avec un peu de retard.

Le stakhanoviste de 2015: Future.
En 2015, la ville d’Atlanta a encore dominé le rap américain avec sa trap music (je vous conseille les documentaires de Noisey sur le sujet). Entre l’explosion de Young Thug (je me répète) qui a signé l’événement avec son faux premier album/ mixtape, Barter 6, les chants de Rich Homie Quan  qui résonnent dans la ville ou le flow ensorcelant de Bankroll Fresh; Atlanta prouve chaque année son incroyable vivier de rappeurs.

Pourtant le véritable fer de lance du rap d’Atlanta et ce depuis des années, c’est Future. Depuis son irruption en 2011 dans le game avec Tony Montana, le rappeur a bouleversé le rap américain. Il a imposé son rap sous auto-tune en ajoutant ses codes street dans de nombreuses mixtapes, collaborations (dont une avec le trap’s master, Gucci Mane). Son ascension est alors fulgurante; Future apparaît sur plusieurs gros hit, des bangers, souvent pour faire le refrain et accessoirement voler la vedette au rappeur qui l’avait invité (coucou Ace Hood). Pour atteindre les sommets, en 2014, il sort un album en major annoncé en grande pompe: Honest. Ce qui devait lui permettre d’atteindre le statut de pop star est un semi-échec commercial et artistique. En ajoutant une rupture amoureuse avec la chanteuse, Ciara, l’artiste est au plus bas. Future s’enferme dans les studios pour faire ce qu’il sait faire de mieux, de la musique.

Ainsi depuis la sortie de Monster fin 2014 (que j’ai découverte en 2015), Future enchaîne avec Beast Mode, 56 Nights et DS2. S’entourant des grosses pointures de la production d’Atlanta (Zaytoven, Southside et Metro Boomin), Future nourrit sa musique des événements qui marquent sa vie. Sa rupture avec Ciara, l’incarcération de DJ Esco sur le projet 56 Nights, et la mort de ses proches inspirent ses storytellings. 

La sortie de son troisième album, DS2 (Dirty Sprite 2) au milieu de l’été, peut être vue comme le chef d’oeuvre de son année. Il dévoile un homme torturé qui parle sans arrêt de sa consommation de drogue en soirée plus pour combler un vide que pour s’ambiancer. Monster le prédisait, Future est devenu un monstre qui comme les vampires, sirote son propre élixir, le syrup ou purple drank. Cette drogue, popularisé par les rappeurs du Sud des Etats-Unis, est une boisson qui mélange du sirop de codéine dans du soda comme le Sprite. Celui qui rappait des morceaux triomphants, parlant d’amour comme I Won, Turn of the Lights, dévoile son mal-être, ses névroses qu’il cache derrière les artifices du matérialisme. Future s’est définitivement transformé en une bête blessée, aidé par l’habillage musicale de l’album.

Sur DS2, les productions de Metro Boomin et Southside sont encore plus nerveuses, plus mécaniques s’adaptant à l’image de Future, comme sur I Serve the Bass, où des bruits électroniques qui bourdonnent laissent croire à une invasion d’abeilles. La fusion entre le travail des producteurs et  la voix éraillé de l’artiste atteint presque la perfection sur Blood on the Money où il parle de thèmes chères à la trap music: l’argent sale et la perte de ses proches.

Il a su profiter de la hype de Drake en sortant avec lui une mixtape surprise, What A Time To Be Alive. Au delà de la qualité médiocre du projet, le projet a profité d’un buzz sur internet (le morceau Jumpman) et s’est bien vendue aux Etats-Unis.
Future a survolé l’année comme jamais tout en restant l’artiste que tout le monde s’arrache en featuring et ce même dans le rap français.

L’album rap français: Georgio, Bleu Noir.
Le rap français a aussi été gâté par cette année 2015. Pour mon choix d’album de l’année du côté français, j’aurai pu évoquer les premiers albums de vieux routards du rap français comme JP Manova, Joe Lucazz et même Sameer Ahmad (meilleur album de 2014, découvert en 2015). J’aurai aussi bien pu mentionner l’importance de deux sorties cette année pour les grandes figures du rap français (Kaaris, Booba, Alonzo, Lacrim ou Gradur).

Et puis mon choix s’est tournée vers le premier LP de Georgio car c’est l’album que j’attendais le plus cette année. J’en ai parlé dans un article sur mon blog, et près de trois mois après la sortie de Bleu Noir, je l’écoute régulièrement et je continue à l’apprécier.

Avec son ambiance morose et les thèmes mélancoliques qu’évoque le rappeur, Bleu Noir a accompagnée  mon automne et le début d’hiver. Et puis, avec les attentats qui ont ensanglantés Paris, l’album de Georgio m’a plutôt réconforté. Bleu Noir est d’une humeur triste mais aussi porteur d’espoir.

L’avènement de cette année : PNL.
Pouvait-il en être autrement ? En même temps, si vous n’avez pas entendu parler de PNL, vous avez un peu raté votre année. Le duo de la cité des Tarterêts encore inconnu au début de l’année, a bénéficié d’une couverture médiatique impressionnante pour un groupe de rap, aussi bien dans les médias spécialisés que mainstream. L’unanimité autour du groupe peut paraître louche mais PNL apporte un vent nouveau dans le rap français. Évidemment leur album Le Monde Chico a consacré PNL mais c’est surtout leur EP/mixtape  Que La Famille qui leur a permis de faire sensation dans le rap français.

Déjà les mecs soignent leur communication bien mieux que le Premier Ministre. Sans donner la moindre interview, ils ont réussis à créer l’événement à chaque sortie de leur clip. Comme Ademo l’affirme dans Laisse: «Nos clips méritent le Festival de Cannes», leurs créations visuelles sont très soignées, elle suivent souvent un synopsis précis. Pourtant comme c’est souvent le cas dans le rap français, leur clips vidéo sont tournés dans leurs quartiers mais avec PNL c’est différent. Il n’y a pas vraiment de glorification, c’est simplement une illustration de leur lieu de vie. Et en même temps, ils tournent aussi dans des décors inédits comme la Scampia, à Naples ou l’Islande.Des graphistes se sont même emparés de leur clip pour en faire des détournements amusants. C’est encore une fois, le signe que le groupe suscite un véritable phénomène.

Alors que la trap n’a jamais été autant exploitée en France, PNL propose simplement une nouvelle formule. Si au premier abord, on semble déstabilisé par leur utilisation de l’auto-tune, Ademo et N.O.S réussissent à créer une symbiose entre ces productions aériennes et ce flow hypnotique. Une recette qui semble simple en substance mais qui permet de créer une musique d’ambiance que certains décrivent comme du cloud rap.

PNL n’aborde pourtant pas des thèmes très nouveaux dans le rap français. Mais leur description de vie de dealeur penche vers un message désabusé et terre à terre. Contrairement à d’autres rappeurs français qui se rêvent à écouler des kilos de drogue, à vouloir imiter des grands trafiquants comme El Chapo, PNL n’a pas la même vision. La bicrav apparaît comme une fin en soi, un moyen de subsistance dans un monde de charognards. Certes, ils utilisent une référence archi-utilisé dans le rap français, avec Tony Montana mais ils n’hésitent pas à faire part de leurs regrets sur leur activité tout en espérant un avenir meilleur.

Avec ces descriptions réalistes et endémiques, la musique de PNL c’est aussi la représentation d’une France qui a perdue. Et pourtant, le rap français n’a jamais été aussi gagnant quant il décrit les facettes sombres de son pays. Pourtant si on inscrit PNL comme phénomène de société, le constat est malheureux.

Espérons que 2016 suive les perspectives musicales qui ont fait de 2015, une grande année de rap. Espérons que le meilleur soit à venir.

MehdiWanKenobi.

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