Jamais dans l’histoire du rap français, un groupe n’avait provoqué autant d’attente que de mystère. Pourtant, ces derniers temps, on a assisté à l’éclosion de nouveaux rappeurs notamment avec des vidéos postés sur internet (les Gradur, Niska,…). Sauf qu’avec PNL (acronyme de Peace & Lovés), on assiste à un véritable phénomène.
Ce groupe issu de la cité des Tarterêts, a sortie en mars un premier projet, QLF (mixtape ou street album, je sais pas trop) pour Que La Famille, véritable slogan que porte les deux rappeurs, Ademo et N.O.S. L’album est sorti en indépendant en février et j’avoue que je suis passé à totalement à côté à l’époque avec les nombreuses nouveautés musicales. C’est surtout à travers leurs clips que j’ai plutôt découvert leur musique. Et particulièrement, Le Monde Ou Rien:
La première fois que j’ai entendu et vu cette vidéo: OVNI !
Tout simplement, je n’avais jamais entendu ça dans le rap français. En étudiant plus le truc, je découvre un clip soigné et tourné dans la cité napolitaine, la Scampia. Une musique aérienne semblable au cloud rap, des paroles qui évoquent un quotidien coincé entre grisaille, deal, l’évocation d’un futur meilleur et quelques phases cailleras. J’ai été complètement happé par leur ambiance musical, que j’avais l’impression d’être pris dans un sort d’un sorcier béninois !
La spécificité d’Ademo et N.O.S, c’est leur utilisation de l’auto-tune. Ce logiciel de correction vocale qui depuis une dizaine d’année, est très utilisé dans le R’N’B et le Rap (à la base, il est apparu dans le Raï mais c’est une autre histoire). Cependant le rap français a toujours eu du mal à exploiter ce logiciel qui le voit comme un artifice (Booba et sa voix de robot est une illustration parfaite). Alors que le groupe innove le rap en utilisant l’auto-tune comme un véritable instrument vocale.
Ils se servent du refrain comme l’identité de leur morceau. Le rap français a souvent mis l’accent sur les couplets, des 16 mesures bien construit et voyait le refrain comme un moyen pour synthétiser le propos. Au contraire, chez ces frangins, il y a une recherche de la mélodie, souvent à travers un gimmick, une phrase aussi simple qu’efficace que les «Ouais, ouais, ouais» du Monde ou Rien ou les références populaires comme le personnage de Simba, comme le titre du même nom:
Avec tout cet engouement, leur deuxième album Monde Chico, sortie le 30 octobre avait l’allure d’un véritable événement. L’album s’est classé direct numéro 1 des ventes dès son entrée dans les backs.
Voilà pour placer le décor avant de vous illustrer la grande expérience que j’ai pu vivre.
Le 31 Octobre se déroulait au Yoyo, club collé au Palais de Tokyo, le premier concert (plutôt un showcase) de PNL. Rien que le fait d’organiser leur concert dans cet endroit hype, c’est une première pour le rap français. Arrivé vers minuit devant l’entrée dans la boîte, je découvre une file immense au rendez vous pour l’événement. Après une grosse attente de plus d’une heure, on entre enfin dans la boîte, le public se masse à l’intérieur. Au platine, Richie Beats, excellent producteur pour Joke, Booba, Set&Match, qui dans un set solide, balance les gros hits rap du moment (Kaaris, Booba, Niska, Future, Fetty Wap, …). Le public est mélangé entre des gens de cité et des hipsters. Les gens semblent apprécier et s’ambiancent tranquillement. Beaucoup de mecs, peu de meufs. Les looks sont soignées entre le style avec les cheveux longs, le trio italien (Armani, Gucci, DG), certains abordent des visages mi-moustache, mi-barbe.
J’aperçoit même quelques famous: des rappeurs comme Zoxea des Sages Poètes de la Rue, Flynt, Deen Burbigo ou Doum’s de l’Entourage. Des journalistes rap sont aussi de la partie. J’aperçois un des premiers fanatiques du groupe et journaliste pour Noisey ou Le Mouv’, Genono, ainsi que des mecs de l’Abcdrduson.com, l’une des meilleurs références en France sur le rap. J’apprend aussi la présence de mecs qui pèsent comme Olivier Cachin (oui oui) ou Pierre Siankowski des Inrocks.
Puis vers les 2 heures, les gens commencent à s’impatienter et s’énerver. Ils ne veulent que du PNL et puis c’est tout. Et Nodey, le DJ qui suit, en paye les frais. Chaque tentative du DJ s’accompagne de sifflés, de jets de gobelets. Scène surréaliste où Nodey est « contraint » de passer des sons du groupe avant leur arrivée. Le public est affamé et il veut voir les gladiateurs entrés dans l’arène.
A 3 heure du mat’, c’est l’arrivée glorieuse du groupe avec la chanson, Je vis, je visser qui conquit tout le monde. Les morceaux s’enchaînent, PNL, PTQS (Plus Tony que Sosa), Simba, J’suis PNL. Les lascars utilisent l’auto-tune avec maîtrise, reproduisent la même gestuelle que dans leur clip. Derrière l’enchaînement des chansons, l’écran diffuse des essais d’images dans une esthétique mi-kitsch mi-pop évoquant l’univers du groupe. Arrive alors Dans ta rue: «Y’a rien à té-gra en bas; on t’oublie pas on t’remplace».
Surprise, Ademo lâche un peu l’auto-tune pour son morceau solo, Mowgli, «J’suis pas un rappeur, sans vocoder je suis claqué», histoire de faire mentir le refrain. Le show se finalise sur Le Monde ou Rien avec que la famille sur scène dans un joyeux bordel. 35 minutes sans rappel, un show bien trop court pour une première.
Il est 4 heure passé et le Yoyo se vide. Discussion avec un spectateur en sortant du club: « Ils ont mis leurs sons avant leur passage pour provoquer le désir, c’est tout nouveau, c’est incroyable.» Pas tort surtout vu l’engouement qui accompagne le groupe.
Le Monde Chico, QLF Records, 2015.
P.S: Et pour ceux qu’ils s’en foutent des mots, veulent juste des images, voici la récap’ vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=WM9LCliu9Yo